vendredi 1 avril 2016

relations d'un voyage vers L.



« […] maintenant s’il fallait reprendre le fil du discours, on ne saurait où, comme si le discours s’oubliait en chemin, comme le temps, à la fin on a dit ceci, ou on a cru dire cela, ou on est venu ici […] »
Uccio Esposito-Torrigiani, Environs de L., Mercure de France, 1967


 

*****, &c.






C.,

            tu n’attendais sans doute pas un quelconque message alors que je prépare mon itinéraire. Trouver une distance adéquate et toi, vraiment au mieux, je l’espère.
La lettre figure un plan, ébauche son espace d’actualisation – un vide désigné, géographie à partir d’une coordonnée, une forme de parenthèse qui ne serait pas close, suivie d’un point, d’une suite de taches noires destinées à poursuivre, à sérier en récit, ligne discontinue, déplacements, pauses, en vue de. Dess[e]in, traçage – d’emblée dans l’évidement du nom. Tu est ton pronom, dans une référence mal délimitée, interchangeable dont on infère, fictionnel qu[o]i ? Cercles multipliés par ta présence au loin d’un ici et maintenant, participant pourtant de l’adresse : tendre le doigt, labialiser vers, toucher par approximation, en échos.
            Projection et translation : tirer un plan, une carte, poster un indice, une lettre volée, une lettre perdue : dépôt de poussière et de désir, comme lieu commun délié d’un usage coutumier tourne à vide sans localisation, partage ou partition. Cercles topographiques en mouvement, la peau est cette limite, le regard figure son déplacement, deux sens qui tracent des frontières en les ouvrant, ce qui finalement tient lieu d’exploration – un léger déplacement physique, dans le lexique, la syntaxe des corps. Tranche spatio-temporelle, comme un qui carotterait la calotte glaciaire. Et de fait, il fait froid. À l’évidence.
            Une carte, une lettre sont un fantôme, un fantasme, une projection initiale vers, une rémanence de cet affect. J’ai fabriqué un jour une carte, longuement, avec beaucoup d’attention, en inscrivant et effaçant des signes pour représenter un lieu d’arpentage, un outil de co-naissance aux cheminements dans un texte. Le résultat me semblait probant, jusqu’à ce que je tâche de m’en expliquer : je me suis alors retrouvé avec une drôle d’impression de ne pas savoir ce que j’avais fait. Seule restait à ce moment-là une trace de ce qui m’avait conduit à cette forme de croquis, qui aurait pu être tout autre, au gré des bifurcations, des choix. On aurait pu penser une narration, une errance. Ne reste que la trame résultant de l’expérience. Je t’en donne cette définition, qui sera autre sûrement demain.
            C., peut-être, pour comme : allonger le pas entre deux points, un transport. Figure de style ou géométrique : le voyage projeté s’abstrait en postures variables, italiques, au gré des moyens utilisés pour l’effectuer, de la pression atmosphérique – il fait beau – il pleut – il neige – il  gèle – il se produit des événements – il fait jour

à nouveau, invariablement, à toi, etc.

(illisible)





PS : J’aurais pu relever pour toi ce matin les stries sur les tulipes qui ornent la table de la cuisine : j’ai seulement pris l’initiative d’ajouter de l’eau dans le vase.

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