'Chez les uns le cœur vieillit d'abord ; pour d'autres c'est l'esprit. Et quelques-uns sont vieux dans leur jeunesse : mais jeunesse tardive est jeunesse pérenne.
Il y en a plus d'un qui manque sa vie : un ver de terre plein de venin lui ronge le cœur. Qu'il veille d'autant plus à réussir sa mort.
Il y en a plus d'un qui ne devient jamais suave, il est déjà pourri en été. C'est la lâcheté qui le maintient à sa branche.
Il y en a bien trop qui vivent et restent trop longtemps accrochés à leur branche. Vienne la tempête qui secouera tous ces fruits pourris et véreux et les fera tomber de l'arbre !
Viennent des prédicateurs de la mort rapides ! Ils seraient pour moi les vraies tempêtes secouant les arbres de la vie ! Mais je n'entends prêcher que les prédicateurs de la mort lente et la patience envers tout ce qui est "terrestre".
Ah ! vous prêchez la patience envers tout ce qui est terrestre ? Mais c'est ce qui est de la terre qui a beaucoup trop de patience envers vous, méchantes langues !
En vérité, il est mort trop tôt cet Hébreu qu'honorent les prédicateurs de la mort lente : et depuis lors ce fut une fatalité pour beaucoup, qu'il soit mort trop tôt.
Il ne connaissait encore que les larmes et la mélancolie des Hébreux, associées à la haine des gens de bien et des justes, l'Hébreu Jésus : alors le désir de la mort s'empara de lui.
Que n'est-il resté au désert très loin des gens de bien et des justes ! Il aurait peut-être appris à vivre et à aimer la terre — et à rire, aussi.'
Nietzsche, Ainsi parla Zarathoustra, Première partie, 'De la mort libre', dans la traduction de Maël Renouard, Rivages poche.
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