
En anglais, la structure "ceci est cela" peut se révéler monotone. Je sens que je dois remplacer les noms par des verbes — ou des adjectifs —, là où je le peux : "Voir, c'est la traversée des miroirs" devient to see is to go trough mirrors (avec bien sûr perte de la rime) ; "la découverte de l'ouvrage qu'il écrira", discovering the work he will write ; "dans l'agitation des ombres amoureuses", when lovers' shadows move ; "la pérennité des tables", the perennial tablets ; etc.
En même temps que des noms trop nombreux, il y a de trop nombreuses copules, trop de "est" et "sont" pour mon oreille quand je traduis mot à mot. Si le contexte l'autorise je coupe. God : an endless word pour "Dieu est un mot sans fin". Cela produit, il est vrai, un style plus elliptique en quelque manière que celui de Jabès, dont la syntaxe est très classique. Il y a néanmoins suffisamment de passages où Jabès lui-même fait l'économie de la copule pour que je me sente justifiée à le faire un peu plus souvent.
D'un mot à un mot
vide possible,
au loin,
au loin,
irrésistible.
Le rêve en est l'acompte ;
Le rêve en est l'acompte ;
le petit, le premier
acompte. [1]
acompte. [1]
From one word to another,
possible void,
far,
irresistible.
Dream the instalment,
the small,
the first one down.
T'ai-je trahi ? Oui, je t'ai certainement trahi. Mais je me propulse avec le muscle de l'anglais qui se propulse avec ses verbes, là où le français se délecte des noms, propres aux propositions, à la logique.
Rosmarie Waldrop, Lavish Absence : Recalling and Rereading Edmond Jabès, Wesleyan, 2002, p. 26-27.
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[1] Jabès, Le Livre des Questions, Paris, Gallimard, 1963, p. 43.
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