samedi 20 octobre 2018

"Surtout quand le vent d'Octobre..." (Dylan Thomas)

Surtout quand le vent d'Octobre
De ses doigts glacés punit mes cheveux,
Pris dans le soleil je marche sur du feu
Et mon ombre portée est un crabe sur la terre.
Le long du bord de mer, j'écoute les oiseaux tapageurs
Et le corbeau qui tousse dans le bois sec de l'hiver,
Mon cœur affairé qui tremble quand elle parle,
Perd le sang syllabique et draine ce qu'elle dit.

Enfermé, moi aussi, dans une tour de mots, je trace
Sur l'horizon qui marche comme les arbres
De verbeux corps de femmes, et dans le parc
Les files d'enfant aux gestes d'étoile.
Certains me laissent te faire avec des voyelles, les hêtres,
D'autres avec des voix, les chênes, ou, avec les racines,
Te donner des nouvelles de maintes régions d'épines.
Les uns me laissent te faire avec le caquetage de l'eau.

Derrière un pot de fougères l'horloge qui jacasse
Me dit le mot de l'heure, la signification des nerfs
Vole sur le balancier, déclame le matin
Et dit le mauvais temps qui fait tourner le coq.
Certains me laissent te faire avec les signes des prés,
L'herbe éclatante qui me dit tout ce que je sais
Pointe dans l'œil avec l'hiver véreux.
Certains me laissent te faire avec les péchés du corbeau.

Surtout quand le vent d'Octobre
(Certains me laissent te faire avec les sortilèges de l'automne,
Les langues d'araignée et les collines sonores de Galles)
Punit la terre de ses poings de rave
Certains me laissent te faire avec les mots sans cœur.
Le cœur est ponctionné, épelant dans le tourbillon
Du sang chimique, averti de la fureur qui monte.
Le long du bord de mer, écoute les voyelles sombres des oiseaux."

Dylan Thomas, Dix-huit poèmes (1938), dans Ce monde est mon partage et celui du démon, traduit et préfacé par Patrick Remaux, Seuil, collection Points/Poésie, p.54-55.

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