mercredi 13 juillet 2016

Relations d'un voyage vers L. (5)



*****, &c.






C.,

y – ce lieu d’écrire, la lettre – reprendre sans cesse le même désir ténu qui nous lie dans cette trame : répétition polymorphe d’un rien de plénitude que tu agréeras, en pensée de saute-mouton, intervalles imaginés guillerets.
Advenir dans la prévision de l’inattendu, du pénultième, n-1. J’achève de prévoir une fluidité qui formerait un souvenir à terme : j’ai pris ce matin la route, jusqu’à arriver, le soir à destination. C’est faire sans l’accident, la panne, l’imprévu, la blessure ou la faille dans le raisonnement prédictif, l’attaque de la diligence, le naufrage et la fabrication d’une embarcation de fortune, pirates et sioux, hurons, iroquois, le dernier des mohicans et se retrouver marronné ici, avant terme, avant même le départ. L’aventure, dit-on, est au bout de la rue. J’y vois plutôt un cul-de-sac à ouvrir, dans l’anticipation des diverses voies, se creusant comme les racines d’un arbre, avec les intersections, les ramifications d’usage, les multiples radicelles qui ne mènent nulle part, avec une démarche pataude, hésitante, à venir. Le survenir plutôt que l’avenir, au fond. La boule de cristal est sphérique : cassée, on en voit la forme fermée, incurvée, et tout juste bonne à recueillir l’averse – il fait aujourd’hui un temps pluvieux, ici. Je diverge, divague, en boucle dans la remise, où je cherche les outils, le couteau suisse idéal. Je souris avec toi devant cette poignée de kilomètres dont je me fais une montagne de sable.
Tu m’indiquais le passage du tunnel creusé sous la colline, un peu au sud-ouest d’une ville en contrebas, avec les vestiges métalliques d’une économie florissante : le monumental des poutrelles, des ponts, tourelles d’exploitation, rongés maintenant par la rouille, qu’on se prend à vouloir conserver, comme témoignage, cela impressionne, géométrie et jungle d’acier, on ne sait pas trop, dans la banalité du sentiment exotique. J’ouvrirai l’œil. L’écarquillerai peut-être. Tu me disais que ce passage marquait toujours un changement net dans la météorologie, températures plus basses, pluie plus dense, nuages, verglas, selon les saisons… Tu imagines dans cette élévation légère du terrain un mur infranchissable qui marquerait un temps nouveau, une chronologie atmosphérique dans la géographie. Tu en fais une frontière, détermine cet ailleurs où la familiarité nous serait, chacun de notre côté, une étrangeté : un territoire fait corps. Cette peau est évidemment une fiction, et tu en joues comme d’un miroir, un conte à ta mesure.
Malhabile, tu le vois, sur les lèvres, un sifflotement, sourire


dans ta direction, une préposition.

(illisible)


PS : les pétales fins et fuselés jonchaient ce matin la petite table qui supporte, dans un coin de la cuisine, le vase dont j’use pour les bouquets successifs, que je jette dans la répétition : regarder ce dépôt.

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