(Pierre Bonnard, L'atelier au mimosa, 1939)
Au sujet de L'Âge de verre de Cole Swensen, je pourrais, à défaut de discours critique adéquat, paraphraser. Vuillard, par exemple, à propos de fenêtres : "Des poèmes, comme je n'aurais osé l'espérer". Après l'éblouissement Si Riche Heure (Corti, 2007), j'ouvre ce soir L'Âge de verre et je commence ma lecture, avec toute la lenteur voulue. Sur la page, le poème se dispose le plus souvent comme un mince miroir de prose, calme bloc qui parfois vole en éclats, mais sans violence, calme espacement-déplacement des lignes, autre équilibre des forces et des formes dans le dessin, sur la page, de la parole. Mais toujours elle impose une évidence qui, à mes yeux, est la marque du grand art : le poème y traverse d'un coup la matière/juste sous le bon angle, la matière picturale en l'occurrence, puisque le livre est visite d'une maison de peinture, celle de Pierre Bonnard. Le discours des yeux y devient une érotique du regard dont les fenêtres ouvrent l'espace, la possibilité : "la fenêtre agit à l'inverse du prisme, rassemblant les intenses pigments du monde fractionné en une immanence de lumière illimitée", lit-on page 47. Et page 33 :
"Il y a de la cinématique dans les compositions de Bonnard, chaque scène mettant l'accent sur l'action, mais aussi la décentrant, étalant la mise au point, la faisant bourdonner sur toute la surface, une intensité homogène, anarchiquement extensive
qui se répercute dans les détails - le dessin du rideau à la même échelle que les champs bigarrés à l'arrière et la nappe au premier plan. C'est un monde équivalent, un monde où chaque élément sert de clinamen heurtant l'homogénéité, précipitant des particularités en si grands nombres qu'elle peuvent construire un chaos agité parfaitement capable de fuser dans l'obscurité sans un accroc."
L'Âge de verre de Cole Swensen, José Corti, Série américaine, traduit par Maïtreyi et Nicolas Pesquès, Paris, 2010.
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