vendredi 7 novembre 2008

Radiophoniques (2)

Mercredi dernier, l'émission de Thierry Paquot et François Chaslin, Métropolitains, était consacrée - dans sa première partie - à l'ouvrage de Reyner Banham, Los Angeles, l'architecture des quatre écologies, initialement publié en 1971 et dont la traduction française paraît ces jours-ci (quelque quarante ans plus tard, donc...) aux éditions Parenthèses :
" L'image que le monde se fait de Los Angeles (par opposition à l'image qu'on a de certains secteurs, comme Hollywood et Malibu), c'est celle d'une plaine sans fin marquée d'une grille sans fin de rues sans fin, saupoudrée à l'infini de maisons de pacotille regroupées en quartiers impossibles à distinguer, et balafrée en tous sens par des freeways interminables qui ont détruit, s'il y en eut jamais, tout esprit de communauté - et ainsi de suite... à l'infini."
À Luc Baboulet, le traducteur, il est apparu que "toute l'idéologie banhamienne pouvait se concentrer" dans une notion essentielle, celle de Plains of Id, ou plaines du ça. L'expression peut surprendre, de prime abord (et le traducteur lui-même confesse, face à ce syntagme, lors son entretien avec François Chaslin, une assez longue perplexité). Mais si l'on se souvient que dans la seconde topique freudienne das Es - traduit en américain par Id - désigne le pôle originaire de la personnalité, d'où procèdent - et où se résolvent - les pulsions, de vie et de mort, les choses s'éclairent quelque peu, et davantage encore si l'on parcourt les lignes suivantes, dans le même chapitre :
"C'est dans les plaines centrales que naissent les convoitises urbaines les plus brutales, c'est là qu'elles se développent et, avec un peu de chance, qu'elles se trouvent satisfaites. Si l'on aborde l'histoire de Los Angeles comme le récit d'une division lucrative et sans scrupule du territoire - et ce depuis les premières violations des titres de propriété espagnols jusqu'à l'actuelle configuration des lots -, on constate que tout cela s'est produit de la façon la plus spectaculaire dans les plaines ; c'est aussi là que furent élaborées les techniques de vente les plus éprouvées ; c'est là, encore, que les formes d'appropriation territoriale les plus psychotiques (les activistes d'extrême droite en armes qui, à Orange County, se préparaient à éliminer les victimes d'éventuelles attaques atomiques) ont sali le rêve de propriété urbaine sur lequel Los Angeles s'est construite" (Chapitre 8, Écologie III : Les plaines du ça, page 139)
Dans sa postface, le traducteur conclut :
"Telles sont de fait pour Banham les grandes plaines : ce milieu platement essentiel, isotrope et indifférencié où s'abolissent les contradictions (là où cette ville n'est elle-même que parce qu'elle ressemble à toutes les autres), à la fois scène de l'origine (l'arène du mythe) et lieu de la fin (la résolution des tensions et la possibilité d'un recommencement)" (p. 236)
Reyner Banham, Los Angeles, Éditions Parenthèses, collection Eupalinos, Marseille, 2008.
Banham loves Los Angeles, documentaire réalisé pour la BBC, 1972 (disponible sur Google video)

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