mardi 5 août 2025

Seule la cendre

 sait ce que signifie brûler jusqu'au bout. 

Je le dirai pourtant, après un coup d'oeil myope par-devant :

tout n'est pas emporté par le vent, et le balai

qui ratisse ample dans la cour ne ramasse pas tout.

Nous resterons, mégot fripé, crachat, dans l'ombre 

sous le banc, où pas un rayon ne pénètre,

et, étroitement enlacés à la fange, comptant les jours,

nous nous ferons terreau, dépôt, couche culturelle.

Devant sa pelle maculée, l'archéologue ouvrira grand la bouche

en un hoquet : mais sa trouvaille tonnera

sur l'univers, comme une passion enfouie dans la terre,

comme la version inverse des Pyramides.

"Charogne !", soufflera-t-il, en se tenant le ventre,

mais il sera plus loin de nous que la terre ne l'est des oiseaux,

parce que être charogne, c'est être libre de ses cellules, libre du

tout : apothéose des particules.

Joseph Brodsky, poème sans titre, inédit, daté de juillet 1987, traduit par Véronique Schiltz, in Poèmes 1961-1987, Gallimard, 1987.

 

 

 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour monsieur, j’espère ne pas me tromper de personne et si c’est le cas je m’excuse de saccager votre blog. J’ai été votre élève en 2017, et je voulais vous remercier d’avoir été si bienveillant et gentil avec moi. Au-delà de ça, vous m’avez donné votre amour pour les petits plaisirs, les mots, la lecture et l’art en général. Aujourd’hui, je fais de la musique. Vous me laissiez des livres au coin de ma table et me demandiez de les prendre si je voulais les lire. Vous m’avez profondément marqué, je pense sincèrement ne pas être la personne que je serai aujourd’hui sans vous. Je n’avais pas vraiment d’ami et même si j’étais seulement une élève à vos yeux, vous ne pouvez pas savoir à quel point vous rendiez mes journées meilleures. Vous avez été un merveilleux professeur et surtout une très belle personne. Étant jeune adulte aujourd’hui, je voulais vous remercier et savoir si vous alliez bien. Merci beaucoup pour ces précieux souvenirs. Et encore navrée de tâcher votre blog mais je n’ai trouvé aucun autre moyen de vous glisser ses quelques mots.

- Tang