*****, &c.
C.,
moment reporté,
remis, puis élaboré plus loin : c’est redire le temps de voyager, de se
transporter, de dévisager – toi, comme tu portes ce que j’envisage aussi, ici
déjà, et sans doute, sûrement, bien, ainsi que tu sais le faire.
Je suis, comme
beaucoup trop souvent, dans la lenteur, l’abstraction des menues choses
quotidiennes, l’hésitation, la rêverie projective, à l’arrêt, sentinelle de
base-arrière. On songe rarement à la vitesse en elle-même, en calant
départ-arrivée, à ce qu’elle fait travailler
dans la reproduction mentale des images, vignettes sériées du vagabondage, de
la déambulation, si j’en supprime origine et but, fins. Vitesse de
sédimentation, comme on dit en analyse sanguine, quand bien même cela n’a aucun
rapport avec le flux : il y a ce qui pousse et ce qui se dépose. Rétine
comme un lieu actif, œil mouvant, scrutant – sentinelle, disais-je, astronome,
avec réglage du télescope, de la focale, mouvements brefs rapide, mise au
point, myope et hypermétrope, correction à l’instant, vue d’ensemble et gros
plan – kino eye. Et puis, dans une
liaison parfaite, la plaque sensible, dessin de lumière, nitrate d’argent,
dépôts successifs de pigments sur la surface toilée, comme une chute, obliquité
des photons, un travail dans les strates. Et c’est là que se jouent les
rapports entre durée et mouvement, dans ce qui se transfère malgré nous, y
compris dans ce qu’il y a de plus actif et volontaire, ce qui se déploie sur la
surface miroitante de la mémoire-corps. On jouera plus tard à ce qui se
révèle : apparition lente du spectre coloré dans l’émulsion. Une mousse,
bulles d’étonnements – tiens !... je n’avais pas vu, pas regardé, fait
attention… –, fige, précipite ce qui va rester : amas désordonné de corde,
palans, voiles aux noms exotiques, poissons variés, si l’on navigue – et c’est
un peu ça l’histoire de L’Île au trésor :
qu’est-ce qui reste quand l’aventure est terminée, qu’est-ce qui justement survient ?
Mais je m’y
égare, c’est mon usage maladroit, gaucherie coutumière, comme si partir m’était
déjà perte, errance – mais avons-nous partagé autre chose, dans les sinuosités
de nos rencontres aléatoires ?
Tu te souviens
sûrement de cette exposition que nous avions visitée il y a quelques années,
chacun de notre côté, dans des mouvements un peu désordonnés qui nous faisaient
parfois nous croiser, sourires un peu gênés et observation de l’autre en train
d’observer. En sortant, nous avions été boire un thé – un earl grey dont j’associe maintenant systématiquement la parfum de
bergamote à ce moment – et nous avions recomposé un regard commun, avec le
manque et le ressouvenir. C’était comme revoir deux fois. Nous nous étions
promis d’y retourner, mais nos occupations avaient pris le dessus.
J’y reviens
parfois en songe, laissant au manque sa place, fantôme de rien,
et toi, dans le
regard, la reconstruction, allure constitutive, etc.
(illisible)
PS : Peu à peu, les racines de l’orchidée
se dessèchent, les feuilles se strient de ravines, les fleurs s’étiolent, les
pétales pendent un peu. La faire tremper, comme on ressuscite.
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