mardi 11 juillet 2017

Relations d'un voyage vers L. (9)



*****, &c.






C.,

moment reporté, remis, puis élaboré plus loin : c’est redire le temps de voyager, de se transporter, de dévisager – toi, comme tu portes ce que j’envisage aussi, ici déjà, et sans doute, sûrement, bien, ainsi que tu sais le faire.
Je suis, comme beaucoup trop souvent, dans la lenteur, l’abstraction des menues choses quotidiennes, l’hésitation, la rêverie projective, à l’arrêt, sentinelle de base-arrière. On songe rarement à la vitesse en elle-même, en calant départ-arrivée,  à ce qu’elle fait travailler dans la reproduction mentale des images, vignettes sériées du vagabondage, de la déambulation, si j’en supprime origine et but, fins. Vitesse de sédimentation, comme on dit en analyse sanguine, quand bien même cela n’a aucun rapport avec le flux : il y a ce qui pousse et ce qui se dépose. Rétine comme un lieu actif, œil mouvant, scrutant – sentinelle, disais-je, astronome, avec réglage du télescope, de la focale, mouvements brefs rapide, mise au point, myope et hypermétrope, correction à l’instant, vue d’ensemble et gros plan – kino eye. Et puis, dans une liaison parfaite, la plaque sensible, dessin de lumière, nitrate d’argent, dépôts successifs de pigments sur la surface toilée, comme une chute, obliquité des photons, un travail dans les strates. Et c’est là que se jouent les rapports entre durée et mouvement, dans ce qui se transfère malgré nous, y compris dans ce qu’il y a de plus actif et volontaire, ce qui se déploie sur la surface miroitante de la mémoire-corps. On jouera plus tard à ce qui se révèle : apparition lente du spectre coloré dans l’émulsion. Une mousse, bulles d’étonnements – tiens !... je n’avais pas vu, pas regardé, fait attention… –, fige, précipite ce qui va rester : amas désordonné de corde, palans, voiles aux noms exotiques, poissons variés, si l’on navigue – et c’est un peu ça l’histoire de L’Île au trésor : qu’est-ce qui reste quand l’aventure est terminée, qu’est-ce qui justement survient ?
Mais je m’y égare, c’est mon usage maladroit, gaucherie coutumière, comme si partir m’était déjà perte, errance – mais avons-nous partagé autre chose, dans les sinuosités de nos rencontres aléatoires ?
Tu te souviens sûrement de cette exposition que nous avions visitée il y a quelques années, chacun de notre côté, dans des mouvements un peu désordonnés qui nous faisaient parfois nous croiser, sourires un peu gênés et observation de l’autre en train d’observer. En sortant, nous avions été boire un thé – un earl grey dont j’associe maintenant systématiquement la parfum de bergamote à ce moment – et nous avions recomposé un regard commun, avec le manque et le ressouvenir. C’était comme revoir deux fois. Nous nous étions promis d’y retourner, mais nos occupations avaient pris le dessus.
J’y reviens parfois en songe, laissant au manque sa place, fantôme de rien,

et toi, dans le regard, la reconstruction, allure constitutive, etc.

(illisible)


PS : Peu à peu, les racines de l’orchidée se dessèchent, les feuilles se strient de ravines, les fleurs s’étiolent, les pétales pendent un peu. La faire tremper, comme on ressuscite.

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