lundi 10 juillet 2017

Relation d'un voyage vers L. (8)



*****, &c.






C.,

ton atelier : je me souviens que tu y fabriquais, par gestes méticuleux, précis, de petits moteurs, mouvements perpétués, mécanique circulaire, machines pour rien. Une songerie en actes – toi, en souhait, dans le rayonnement, cet enthousiasme répété.
Retraçant, de mémoire, un autre parcours, projeté, rai lumineux, je m’aperçois qu’il se double toujours d’un itinéraire bis, en exposant, aspiration presque inconsciente ou inclinaison vers l’ouvert. Une présence conjointe se transporte en parallèle, accompagnement comme un bourdon, un drone sonore, insecte volant en retrait, en regard, comme on dit sur le bout de la langue ou dans un coin de la tête. Doublement de la ligne continue du déroulé, la vision se présente doublée, ivresse du va-et-vient entre les images reçues et données, on pense à l’hôte, Janus biface et duplice, dans le décalage infime qui change tout l’ordre des choses. Route de la route, lieu du lieu, il s’y trouve systématiquement emporté dans une aspiration différente, autre et altérée, à moins que l’acuité s’en trouve développée, par un effet de réfraction curieuse, volontaire dans cet effort vers notre altérité interne – à moins que ce ne soit  l’image de l’autre – toi comme dans une visée retardée, échafaudée dans une combinaison d’abstraction et de sensualité de l’œil, objet de la saisie. Je ne suis pas sûr d’être très clair, et cela te ferait sans doute sourire – bavardage ramassé, bégayé, balbutiements.
Il est parfois difficile d’exprimer son point de vue, lorsque justement il se situe dans la distance qui nous sépare de deux perceptions ou jugements. Je tâche, du moins, d’y trouver ma place et d’y préparer la tienne, à défaut de la partager. Une incompréhension mutuelle s’installe parfois mais redonne sens à une complicité par vagues, virtualité franche et perpétuelle, je crois, dans l’affection qui nous lie en micro-communautés.
Regard commun, fléchage virtuel – c’était peut-être ça, dans l’idée.
Une nuit, nous avions observé le ciel, dans une campagne presque totalement dépourvue de nuisances lumineuses. C’était dans la période où nous traversions les Léonides et pendant de longues minutes, assez inattentif ou bien mal orienté, je ne pus percevoir aucune étoile filante, alors que tu en voyais plusieurs. Bougonnant, je t’accusai de mentir, et tu me plaisantas sur cette mauvaise foi. Puis nous en aperçûmes une au même moment, cette traînée de lumière scellant une réconciliation dans notre petit jeu un peu théâtral.
 C’est ainsi que se constitue le temps précieux de la connivence, du règlement accepté, reproduit comme un pas de danse, leste et de biais, dont tu sais si bien jouer, appropriation dans la convergence des gestes, bras et mains dans une chorégraphie des regards.
Partage des tâches conventionnel, pour nous y retrouver, cet entre,

te laisser t’y adonner à ta promenade, suivant le lit des rus, ruisseaux, rivières, etc.

(illisible)


PS : Une orchidée est posée près de la fenêtre, fleurs un peu obscènes dont la couleur rose et violacée, vive, tachetée, durable, m’enchante néanmoins, dans l’idée du cycle, qui n’est pas tout à fait la fatalité résignée du bouquet, traces, dès la coupe, de poussières.

Aucun commentaire: