samedi 9 avril 2016

Relations d'un voyage vers L. (2)



*****, &c.






C.,

J’entreprends dans remettre, sans aucun doute, comme tu le sais : tu disais procrastiner, c'est élaborer un effet-retard, dans la tension du lieu tien, que tu habites bien, je souhaite, un vœu mieux.
Tracer des cartes, c’est circonscrire, entourer de frontières en déplacement, fixer un développement continu, construire une photographie, un étant-donné, posé, dans une clôture. Un cartographe pose son sac, délimite son pré-carré, au gré de ses envies variées, imagine une légende qui raconterait un site. Pastels et couleurs franches sur la feuille dépliée, préposant le désir, l’accentuant comme un sol. Le monde est là, designer dans le plan ou scénographe spatial. Pause, prendre la pose. Noir, déclic : fiat lux, monde comme créé dans le donné. Un tableau de mètres, aplats.
Faire un itinéraire est différent : projeter, trouver un jeu de flèches, un geste du toucher / pas toucher, démesurer le faire, penser dénivellation, gués, passages étroits, obligés, forcer un usage du déplacement. Archéologie industrielle, penser regard au côté, paysage, cimetière en terrasses, tableau cubiste des maisons sur la pente, poutrelles métalliques, tunnel vision en pointillés morse : noir blanc noir plus long, clignotement rapide du blanc. Construire pas à pas, comme on se déplace, démarche souple, décomposée en strates senties. C’est aussi fixer, mais dans un sentiment de perte continuelle, comme on cherche à se souvenir d’un visage, un sourire en mouvement. Affect second, et la photographie ne renvoie à rien, à peine miroitante, avec ton corps en élévation dans l’objectif. Un bougé-tourner, spéculatif dans le phrasé mobile. Pronoms oblitérés dans le procès verbal : mutation et mouvement.travelling si l’on veut, mais sans réelle image de fin, que le désir qui la projette, rémanence, tiens, comme sur la rétine avec un départ de cataracte. Tracer des traits : plante rampante comme la distance advient.
Un réseau tressautant s’opacifie petit à petit : tu m’as raconté avoir un jour éternué dans une position malaisée. S’en est suivie une crampe, point au dos, poing fermé sur la douleur, réchauffant le muscle, le blocage, main tendue vers l’objet non saisi que tu as fini par laisser à sa place. Un aller-retour, comme on respire, rythme cardiaque accéléré s’apaisant bon gré mal  gré. Contraction des muqueuses figeant les sens pourtant en alerte, axés. L’expérience est simple, marque son moment, auxiliaire. Et puis c’est passé.
Dans le scintillement des verres et de la bouteille turquoise sur la table blanche de la cuisine, le piaillement des oiseaux parmi les branches,  la lumière rasante du soleil

et toi, pensée de saison, etc.

(illisible)



PS : Doucement les tulipes se sont fanées, la couleur des pétales a passé, s’est durcie, cependant que le bas des tiges brunissait en lignes parallèles, pourrissaient en canaux. Je les ai jetées ce matin.

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