"Un livre qui se donne en cadeau, et qui renferme des pièces de vers et des fragments de prose, entremêlés de gravures" selon le Littré, le keepsake était la forme adéquate pour un hommage à John Keats, l'apparition de tels albums coïncidant historiquement, more or less, avec la disparition du poète, au début des années 1820. Douze prélèvements en prose dans cette vie brève, depuis l'enfance orpheline jusqu'à l'épitaphe liquide du cimetière acattolico de Rome (1), entremêlés d'extraits épistolaires et poétiques (certains d'entre eux traduits pour la première fois), à quoi s'ajoutent un précieux abécédaire (Dew, Mist, Tiptoe, etc. mots-clés de l'idiolecte keatsien), de courts companions ou guides de lecture (pour Endymion, Hyperion, Lamia), et puis des manuscrits, des cartes, un catalogue de la bibliothèque de K., une bibliographie sélective (2)... Lucien d'Azay coule une érudition amoureuse mais lucide dans la prose de son keepsake, inscrivant un poète cockney dans le paysage littéraire de son temps, le faisceau des relations sociales qu'il y a significativement tissées (Leigh Hunt, ou Charles Lamb — voir l'étonnant tableau synoptique en fin de volume), esquissant par portraits successifs une image en mouvement de l'auteur, contre les mythographies dont Keats fut l'objet et la victime, de son vivant même. Un objet-livre exquis, ouvert et circulatoire, dont on peut faire présent.
(1) Here lies one whose name was writ in water que Lucien d'Azay traduit : "Ici repose un homme dont le nom était écrit en lettres d'eau".
(2) On y ajoutera l'Ode au rossignol, traduit et interprété par François Turner, Le Lavoir Saint-Martin, 2013.
Lucien d'Azay, Keats, Keepsake, Les Belles Lettres, 224 pages.
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