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La cathédrale et la ville de Mantes vues à travers les arbres le soir |
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Saulaie à la pointe du marais |
C'est aussi pour Corot la période du plus grand succès. Il se trouve en parfaite symbiose avec une demande dans laquelle triomphe le goût de l'époque pour les sujets champêtres, le parfum bucolique, le papillonnage de figurines semi-cachées. S'y reflètent, en un processus de rapprochement, les inclinations de cette entité si difficile à définir et à cataloguer, qui est l'esprit de la communauté, l'hérédité du groupe. De la même manière l'action est syntonique lorsque Corot peint Le coup de vent qui représente un point d'arrivée, terminal pour sa recherche, avec une notable hypothèque sur le futur ; tout élément superflu, étranger (c'est-à-dire non naturel) une fois éliminé, seuls demeurent les arbres qui, courbés en arc, occupant toute la surface, s'impriment sur le ciel gris, en toile de fond, et toute proportion fait défaut, ou mieux, il n'y a plus aucune valeur de référence. En témoignent encore quelques résidus-ornements, sédimentation d'un quelque chose qui ne veut pas s'éteindre, se pulvériser, mais qui doit à la fin nécessairement disparaître : la figure désormais menue, sous-dimensionnée, méconnaissable. C'est l'étrange rachat qui s'accomplit finalement après une attente très longtemps prolongée, après d'innombrables tentatives, querelles et conflits théoriques qui ont profondément divisé les esprits.
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Le coup de vent |
Le processus heuristique — entrer dans la réalité — reste presque certainement chez Corot une expérimentation incomplète, un succès partiel, à mi-chemin, en équilibre entre la réalisation de l'empathie (c'est l'imagination dans sa force) et l'excessive facilité, la langueur qui court le risque de tout transformer en ornement, frisure, faiblesse. Péril évité soigneusement dans les études sur le vif mais qui devient prédominant lorsque la surcharge technique évacue la pulsion créatrice et surtout lorsque les attentes (ou les impératifs) du marché ne laissent plus de place à la réflexion, aux maturations, aux voies nouvelles. Quoi qu'il en soit la coagulation, la synthèse aussi de ces idées qui ne sont jamais exprimées mais qui flottent dans l'air (on peut les flairer), rejoignent dans l'oeuvre de Corot un amalgame vital, l'expression intersubjective qui autrement serait restée cachée ou pire encore ne se serait même pas réalisée, lente déperdition. Et là où l'intention fléchit, où un manque se fait jour dans ce grand projet qui vit entre dit et non-dit parce qu'il est inconnu à l'auteur (le progrès de son histoire), un autre aura réussi longtemps après, maintenant toujours tendue cette corde qui unit 'nature' et 'paysage'.
Andrea Zanzotto, Luoghi e paesaggi, 2013.
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