samedi 8 février 2014

Aléas



Le Nain Géant (Stock, 1993, L’Arbre vengeur, 2011), de Marc Petit, se veut, dans sa structure rocambolesque, un hommage à la littérature feuilletonesque du XIXème siècle : chapitres brefs, rebondissements accélérés, chausse-trappes, déplacements géographiques d’un héros-narrateur dans sa quête d’un jouet improbable, le Nain Géant, invention de son défunt père, la plus importante de son époque (et qui oscille entre jouet, automate, ouvrier mécanique, golem… avec de multiples références historico-mythiques).
La lecture est haletante, comme celle du feuilleton (avec les procédés habituels de fin de chapitre en suspens), mais aussi troublante, dans une mimétique onirique liée à la difficulté de recréer mentalement les liens entre les divers épisodes : l’avancée du lecteur est celle d’un explorateur de terrier – loin de trouver une ligne droite, il découvre une structure mouvante, au gré des déplacements de celui qui l’a construite. La visite de l’atelier du créateur du Nain Géant est de ce point de vue exemplaire : entre la découverte d’indices, celle d’un passage souterrain humide, se produisent des glissements dans la narration qui démarrent l’aventure de l’écriture, dont le lecteur cherchera une cohérence dans la suite du texte.
« C’est le propre des personnages de douter d’eux-mêmes, comme c’est le propre du conteur de les rassurer, à moins que ce ne soit le contraire […] » (171), s’amuse le narrateur, nous mettant aussi dans la position d’une marionnette prise dans les fils capricieux de l’auteur. Un flou orchestré.
Un livre blanc proposera une solution à la quête : se jouant du lecteur, du narrateur et même de l’auteur en tant que maître de son projet, Marc Petit élabore un objet où ce qui se joue, justement, c’est le moment de lecture, mis en abyme dans le récit – « […] ni la droite, ni le point n’existent. Ce ne sont que des mots. Le moi n’est qu’une façon de parler, la réalité est un prétexte, la vérité est elle-même une pure invention, un simple effet de langage. Le fond des choses est qu’il n’y a rien du tout » (346) , moment fort jubilatoire au reste, pour un nain géant.

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« If the study of literature arises from our concern with texts, there can be no denying the importance of what happens to us through these texts. For this reason, the literary work is to be considered not as a documentary record of something that exists or has existed, but as a reformulation of an already formulated reality, which brings into the world something that did not exist before.” (Wolfgang Iser, The Act of reading, A theory of aesthetic response, The John Hopkins university Press, 1978 x)
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Arthur Rimbaud nous y enjoignait dans les Illuminations : « trouvez Hortense. ». H est un texte énigmatique qui a donné lieu à de multiples interprétations-solutions plus ou moins fantaisistes : le petit bloc de lettres demeure insoluble.
Par un écho étrange, Maurice Leblanc raconte dans Les Huit coups de l’Horloge la recherche d’une jeunefille disparue, Hortense. Huit (H est la huitième lettre de l’alphabet), Horloge, Hortense : multiplications des H. A son heure, Leblanc nous fait un drôle de coup : relire un roman policier populaire à la lumière d’une énigme rimbaldienne…

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Un coup de dés…

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