Le Nain Géant
(Stock,
1993, L’Arbre vengeur, 2011), de Marc Petit, se veut, dans sa structure
rocambolesque, un hommage à la littérature feuilletonesque du XIXème
siècle : chapitres brefs, rebondissements accélérés, chausse-trappes,
déplacements géographiques d’un héros-narrateur dans sa quête d’un jouet
improbable, le Nain Géant, invention de son défunt père, la plus importante de
son époque (et qui oscille entre jouet, automate, ouvrier mécanique, golem…
avec de multiples références historico-mythiques).
La lecture est haletante, comme celle du
feuilleton (avec les procédés habituels de fin de chapitre en suspens), mais
aussi troublante, dans une mimétique onirique liée à la difficulté de recréer
mentalement les liens entre les divers épisodes : l’avancée du lecteur est
celle d’un explorateur de terrier – loin de trouver une ligne droite, il découvre
une structure mouvante, au gré des déplacements de celui qui l’a construite. La
visite de l’atelier du créateur du Nain Géant est de ce point de vue
exemplaire : entre la découverte d’indices, celle d’un passage souterrain
humide, se produisent des glissements dans la narration qui démarrent
l’aventure de l’écriture, dont le lecteur cherchera une cohérence dans la suite
du texte.
« C’est le propre des personnages de
douter d’eux-mêmes, comme c’est le propre du conteur de les rassurer, à moins
que ce ne soit le contraire […] » (171), s’amuse le narrateur, nous
mettant aussi dans la position d’une marionnette prise dans les fils capricieux
de l’auteur. Un flou orchestré.
Un livre blanc proposera une solution à la
quête : se jouant du lecteur, du narrateur et même de l’auteur en tant que
maître de son projet, Marc Petit élabore un objet où ce qui se joue, justement,
c’est le moment de lecture, mis en abyme dans le récit – « […] ni la
droite, ni le point n’existent. Ce ne sont que des mots. Le moi n’est qu’une
façon de parler, la réalité est un prétexte, la vérité est elle-même une pure
invention, un simple effet de langage. Le fond des choses est qu’il n’y a rien
du tout » (346) ‒, moment fort
jubilatoire au reste, pour un nain géant.
*
« If
the study of literature arises from our concern with texts, there can be no denying
the importance of what happens to us through these texts. For this reason, the
literary work is to be considered not as a documentary record of something that
exists or has existed, but as a reformulation of an already formulated reality,
which brings into the world something that did not exist before.” (Wolfgang
Iser, The Act of reading, A theory of
aesthetic response, The John Hopkins university Press, 1978 ‒ x)
*
Arthur Rimbaud nous y enjoignait dans les Illuminations : « trouvez
Hortense. ». H est un texte
énigmatique qui a donné lieu à de multiples interprétations-solutions plus ou
moins fantaisistes : le petit bloc de lettres demeure insoluble.
*
Un coup
de dés…
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