Une voix, un regard recueille et rassemble un nombre
important de textes confiés par J. Grosjean entre 1947 et 2004 à différentes
revues, au premier rang desquelles La
Nouvelle Revue Française. Préfacé par J.M.G. Le Clézio avec qui Grosjean créa
la collection L'Aube des peuples, où avait
paru — entre autres traductions mémorables — L'épopée de Gilgamesh, édité par J. Réda, qui fut son interlocuteur
et son ami au sein des Éditions Gallimard, l'ouvrage est subdivisé en quatre
parties correspondant aux quatre pôles de l'activité d'écriture de l'auteur :
le poète, le prosateur, le traducteur et le lecteur que J. Grosjean aura été, inséparablement,
avec une probité, une discrétion et une intensité tout à fait rares.
Le volume, dans le jeu même
de son organisation qui sépare et distingue, met au jour les circulations
fluides entre poésie, prose et traduction qui nourrissent cette oeuvre dans
tous ses développements. Les monologues de Ruth ou d'Esther, que scénographie une
prose poétique très belle (Variations sur
le temps) se meuvent, dans l'espace et le temps de notre lecture, dans le
même champ ontologique et éthique que la traduction d'Amos, "pâtre" et "inciseur de sycomores" judéen
devenu prophète, auquel le lient d'évidentes affinités ("homme de la
campagne et merveilleux observateur des petites choses de la vie et de la
nature" 1
comme le prosateur de La Beune) et,
peut-être, une même postérité littéraire ("En dépit de la force de son
message et de la qualité de sa poésie, Amos n'a suscité que peu de commentaires
au cours des âges" 2).
Une continuité se dessine au
fil des pages, entre lecture et écriture, comme si, pour Grosjean, composer un
poème, ou traduire un psaume, étaient autant de manières de continuer sa lecture,
de poursuivre dans la bibliothèque biblique une forme d' "entretien infini"
(les Prophètes puis le corpus johanique) mais aussi hors d'elle, dans le monde
qui, comme les textes scripturaires, est "une parole à déchiffrer, donc à
recréer" 3.
1. Jean L'Hour,
Introduction au Livre d'Amos, in La
Bible, nouvelle traduction, Bayard, 2001.
2. Ibid.
3. Jean Grosjean cité par
Didier Alexandre, in Dictionnaire de
poésie de Baudelaire à nos jours, PUF, 2001.
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