La pensée de la traduction procède, chez Yves Bonnefoy, d’une définition essentielle de la poésie, inséparable d’une métaphysique de la présence. Définition nullement arrêtée, mais inchoative, mouvement de reformulations successives, dans les entretiens et interventions sur la traduction que rassemble L’autre langue à portée de voix. Sur la traduction ou mieux, sur le traduire, entendu comme ''travail, acte sans fin''.
La poésie dit moins qu’elle ne montre, pour reprendre la distinction de Wittgenstein. Elle est moins un dit qu’un dire, moins un énoncé qu’une énonciation. Le propre de "l’intuition poétique" serait, en s’arrachant aux présentations de la "conscience conceptuelle", de se porter "vers l’immédiateté de l’être sensible", la "mémoire, voire l’expérience, d’un état originel, indécomposé de notre présence au monde", qui est tout ce qui importerait aux "grands poèmes". Cette approche est d’abord l'écoute de ce qui, dans les vocables, est matière sensible, à savoir la sonorité, le rythme. Traduire, dès lors, se conçoit comme le "resaisissement par musique", dans la langue-cible, du parlar cantando de la langue-source. Ce qui implique, très logiquement, un traducteur capable de poésie. Puisque la traduction véritable, s’agissant du poème, "est poésie elle-même".
Cette métaphysique de la présence oriente aussi l’enquête de lecture, dans Orlando furioso, guarito, qui n’est que superficiellement un livre de préfaces (1), tant sont grandes la cohérence et la profondeur du dialogue qui s’y instaure, avec beaucoup de science et de sensibilité, entre le vaste poème de l’Arioste et certaines pièces de Shakespeare. Dans un ample et superbe exercice de lecture du Roland Furieux (2), c’est encore la manifestation de cette "présence pleine" qui requiert l’attention passionnée du critique, dans une œuvre où précisément le héros éponyme est, violemment, en proie à ces sortilèges de l’idéalité contre lesquels la parole poétique se doit de se prémunir et de nous prévenir.
(1) Une décision de Shakeaspeare et Macbeth le mécréant, ici révisés et partiellement récrits, introduisent les traductions par Yves Bonnefoy de Comme il vous plaira et de Macbeth, publiées en poche. (2) Roland, mais aussi bien Angélique, préface à l’édition de Roland Furieux en Folio classique, dans la traduction de Francisque Reynard.
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• L'autre langue à portée de voix, La Librairie du XXe siècle, Le Seuil, 2013.
• Orlando furioso, guarito, De l'Arioste à Shakespeare, Mercure de France, 2013.
(1) Une décision de Shakeaspeare et Macbeth le mécréant, ici révisés et partiellement récrits, introduisent les traductions par Yves Bonnefoy de Comme il vous plaira et de Macbeth, publiées en poche. (2) Roland, mais aussi bien Angélique, préface à l’édition de Roland Furieux en Folio classique, dans la traduction de Francisque Reynard.
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• L'autre langue à portée de voix, La Librairie du XXe siècle, Le Seuil, 2013.
• Orlando furioso, guarito, De l'Arioste à Shakespeare, Mercure de France, 2013.
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