
Nietzsche - le Nietzsche de la fin - en qui la pensée la plus haute n'est que le revers de l'effondrement m'apparaît comme l'expression de Nice, la traduction naturelle de sa couleur et de son rythme, de cette lumière intense : fraîche et brûlante. Lumière de midi, aussi, où surgissent les fantômes, où les morts se mêlent aux vivants, faisant vaciller la raison. Nice trouve en Nietzsche son style même. Mieux qu'en aucun peintre. Et je me propose de saisir quelque chose de ce genius loci confondant, si l'on veut bien jouer de l'expression. (p.12)
Sa rencontre peut-être, fruit du hasard, dans le silence d'un grand salon de lecture, librairie Visconti, avec un jeune homme précoce et fragile, qui fut philosophe de quelque réputation autrefois, aujourd'hui presque oublié : Jean-Marie Guyau. Entre les deux hommes, d'évidentes affinités, intellectuelles mais aussi disons existentielles, dont la récurrence d'annotations enthousiastes, de la main de Nietzsche, en marge de l'Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction de Guyau, témoigne : "Bravo !" Deux lignes, deux intensités de vie se sont croisées là, sinon dans cette librairie où ils fréquentèrent tous deux, du moins dans ce livre qui donne lieu, qui donne son lieu, son u-topique possibilité, à leur rencontre. Il faut savoir gré à Patrick Mauriès d'avoir mis tant de tact et d'attention, d'exacte érudition (immense et pourtant légère, comme imperceptible, tant elle épouse amoureusement son sujet) au service d'un exercice d'admiration lucide : tout simplement lumineux. Ce savant dosage pouvait seul rendre possible l'improbable mise en présence. De quelle justification plus profonde, plus frivole peut s'autoriser un récit ?
Pour aller plus loin :
Le second récit de Patrick Mauriès paru dans la collection Blanche est intitulé Soirs de Paris.
De Nietzsche, on peut lire en folio classique un recueil de Lettres choisies.
L'esquisse d'une morale sans obligation ni sanction de Jean-Marie Guyau a fait l'objet d'une publication nouvelle, en 2008, aux éditions Allia.
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