Siegfried Kracauer entre au Frankfurter Zeitung en 1921. Le journal, au début de la république de Weimar, est l'organe d'un libéralisme de gauche, celui d'une bourgeoisie éclairée soucieuse d'asseoir une véritable culture politique démocratique en Allemagne et convaincue, du moins en ces années, de la nécessité d'une alliance avec le mouvement ouvrier. Kracauer en fut licencié en 1933, après que la ligne éditoriale, sous l'action combinée d'un changement de propriétaire et de la révolution conservatrice alors en cours, eut subi un considérable glissement à droite. La nuit du vingt-sept février de cette même année, le Reichstag brûle. Kracauer quitte alors Berlin pour Paris.
Le kiosque à journaux
"Au milieu du tourbillon se dressent les kiosques à journaux, minuscules temples où les publications du monde entier se donnent rendez-vous. Ceux qui dans la vie se combattent comme des adversaires se trouvent imprimés côte à côte, l'entente ne saurait être plus grande. Là où les organes de presse yiddish, s'appuyant sur des textes arabes, sont au contact de gros titres polonais, la paix est assurée. Mais il reste que les journaux ne se connaissent pas. Chaque exemplaire est plié sur lui-même et se contente de la lecture de ses propres colonnes. Indépendamment de l'étroite relation matérielle entretenue par les feuilles de papier, les nouvelles qu'ils diffusent sont si dépourvues de rapport qu'ils n'en donnent même pas sur leur propre compte. Dans les intervalles, c'est le démon du vide spirituel qui règne sans partage.
Il n'en est pas ainsi qu'à Paris. Les centres des grandes métropoles qui sont pareillement des lieux d'éclat et de prestige se ressemblent de plus en plus. Leurs différences disparaissent." (Siegried Kracauer, Analyse d'un plan de ville, article paru dans le Frankfurter Zeitung en 1928)
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