vendredi 24 avril 2015

La Ville, Frans Masereel

La ville, tentaculaire, labyrinthique, massive, avec ses myriades de personnages... Un bel objet graphique que ce petit livre, avec une préface de Stefan Zweig (imprimé en blocs rectangulaires qui laissent deviner la fin des lignes imprimées à l'envers au verso, sur papier bible). Des noirs profonds qui rendent la beauté, la profondeur, l'abrupt des gravures sur bois de Frans Masereel (1890-1972), détaillant ici, parfois de façon presque narrative, les vues de la ville moderne, qui évoque celle du Metropolis de Fritz Lang. Un discours social se dégage de ces visions grouillantes, pleines de promiscuité, images fugaces du travail, des rues, des manifestations, de la prostitution, de la vie mondaine, ouvrière, des faits divers, en définitive, de cette ville surpeuplée et anonyme, avec ses drames humains, intimes. Le travailleur s'oppose au gros bourgeois, les classes sociales luttent chacune de leur côté, la machine administrative (on songe à Kafka) est en place, la géométrie grandiose surplombe l'humain, l'écrase parfois, cependant que les détails multiples (personnages aux fenêtres, apparitions fugaces dans la foule) lui redonnent vie. L'individualité humaine se perd dans l'amoncellement de la population des rues, cependant que les scènes intérieures, intimistes, sont souvent prises dans une matière noire et un désordre qui rendent un urbanisme vainqueur, fascinant et destructeur, dans son économie industrielle et, déjà, sa publicité envahissante. On regrette juste la taille trop petite des bois de cette réédition, qui donnent envie de voir plus en détail ces gravures superbes.


Frans Masereel, La Ville, Cent pages, Coll. Cosaques.

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