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Caspar David Friedrich, Der Mönch am Meer, 1810. Huile sur toile, 110 x 171, 5 cm Berlin, Neue Nationalgalerie. |
❝ Il n’est rien de plus triste et de plus pénible qu’une pareille situation dans le monde : être la seule étincelle de vie dans l’immense empire de la mort, le centre solitaire d’un cercle solitaire. Le tableau est là, avec ses deux ou trois objets pleins de mystère, pareil à l’Apocalypse ; on le dirait pris par les pensées nocturnes de Young ; et comme dans sa monotonie et son infinitude il n’a d’autre premier plan que le cadre, on a l’impression, en le contemplant, d’avoir les paupières coupées. Pourtant il ne fait aucun doute que l’artiste s’est engagé sur une voie nouvelle dans le domaine de son art, et je suis convaincu qu’on pourrait, avec l’esprit qui est le sien, représenter un mille carré de sable du Brandebourg avec un buisson de ronces où, solitaire, une corneille gonfle ses plumes, et qu’un tableau de ce genre ne pourrait manquer de faire une impression digne d’Ossian ou de Kosegarten. Oui, si l’on peignait ce paysage avec sa propre craie, avec sa propre eau, je crois vraiment que l’on pourrait faire hurler les renards et les loups : le plus puissant éloge, sans aucun doute, que l’on puisse adresser à ce genre de peinture de paysage. – Mais mes impressions personnelles sur ce merveilleux tableau sont trop confuses; c’est pourquoi, avant d’oser les formuler pleinement, j’ai décidé de m’instruire en écoutant les commentaires de ceux qui, deux par deux et du soir au matin, passent devant.❞
Heinrich von Kleist, Impressions devant un paysage marin de Friedrich, in Petits écrits (Oeuvres complètes, tome 1), Le promeneur, p.199-200.
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