vendredi 12 juin 2009
Cartes: Lisa Asagi & Gaye Chan
Les deux livres que Lisa Asagi (text) et Gaye Chan (art) ont publié en 2001 chez Tinfish Press, Physics et Twelve Scenes from 6 a.m., sont deux très beaux objets qui se présentent sous une forme similaire: sous une couverture simplement pliée et ornée d'une sorte d'échelle cartographique est collée une feuille qui adopte la forme d'une carte géographique. Imprimée d'un seul côté et dépliable , elle est bordée par un cadre gradué et on retrouve en bas gauche la même échelle que la couverture. Le premier, orienté nord-sud, comporte une rangée de photographies variées sous lesquelles s'échelonnent trois colonnes inégales de textes divisées en paragraphes. Le second, orienté est-ouest, comprend une série de 12 cases de textes en carré, par-dessus lesquelles est imprimée une empreinte digitale que jouxte le plan d'une ville, en partie recouvert par une carte d'île ou d'état; à l'extrême est, la légende d'une carte routière.
L'ensemble très cohérent questionne immédiatement: comment lire, quel trésor va-t-on trouver (les photos, anciennes, peuvent évoquer l'exploration d'un album inconnu trouvé dans un grenier, l'empreinte pouvant renvoyer à la carte mais aussi à l'enquête)?
Les textes sont tendus par des réseaux de fils, qu'on tire précautionneusement.
Physics se présente oniriquement et à la première personne ("I am walking accross a freezing wet lawn") comme la visite d'un espace de non lieu, le préfixe privatif "un-" s'y retrouvant à plusieurs reprises, ainsi que le préfixe "under-" qui sous-tend sa découverte : espace de rêve, de mémoire, non espace du temps. Quelqu'un rêve, est parti d'un lieu, est revenu, se souvient, pense à des panneaux indicateurs, à des machines, à des réseaux de fils, à une toile, explore les documents situés au dessus (il y a un échange entre le texte et les photographies, un espace entre eux: "For spaces between", est-il écrit. Un oeil observe un non-espace : "there is a place for things that have disappeared". Une carte mémoire. Un espace physique de la mémoire ("move your hand under my skin").
Twelve Scenes from 6 a.m. se présente sous la forme d'un journal de voyage, d'un retour passager, d'un départ, la diariste date, évoque ses bagages encore froids de la soute, ses rencontres avec sa famille, sœurs, les enfants, toujours dans une atmosphère sous-tendue par des descriptions familières, infra-ordinaires et étranges, presque oniriques par leur précision et leur brièveté ("In another building blocks away, a woman in a red t-shirt walks in and out an amber lit room. [...] Her neighbors are either not home or are already dreaming. [...] And I am wondering if there is a painting that looks like this scene". Le texte est un récit par touches descriptives, répond à l'autre livre comme l'exploration d'une absence à un lieu présent, la quête d'indices de familiarité et de manque.
Ces deux livres, très courts, par leur jeu sur l'objet, parviennent à organiser une forme d'écho fascinant entre eux et dans leur espace propre, celui de la carte dans une formalisation à la fois limpide et complexe.
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