"Depuis longtemps, des années à vrai dire, je caresse l'idée d'organiser graphiquement sur une carte l'espace d'une vie. D'abord je songeais vaguement à un plan Pharus, aujourd'hui je serais plus enclin à recourir à une carte d'état-major s'il en existait une pour l'intérieur des villes. Mais elle fait sans doute défaut, par méconnaissance des théâtres d'opérations des guerres à venir. J'ai imaginé un système de signes conventionnels et sur le fond gris de telles cartes, on en verrait de toutes les couleurs si les logements de mes amis et amies, les salles de réunion des divers collectifs, depuis les Sprechsäle du Mouvement de la Jeunesse jusqu'aux lieux de réunion de la jeunesse communiste, les chambres d'hôtel ou de bordel que j'ai connues le temps d'une nuit, les bancs décisifs du Tiergarten, les chemins de l'école et les tombes que j'ai vu remplir, les lieux où trônaient des cafés dont les noms ont aujourd'hui disparu, et qu'on avait quotidiennement sur les lèvres, les courts de tennis où se trouvent aujourd'hui des maisons de rapport vides et les salles décorées de dorures et de stucs dont l'épouvante des leçons de danse faisait presque les égales des salles de gymnastique, si tout cela y était distinctement porté." (Chronique berlinoise, cité par Jean Lacoste in Les chemins du labyrinthe, La Quinzaine littéraire/Louis Vuitton, 2005, p. 20.)
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