Il y a dans la ville une tentation encyclopédique. Le cheminement, la connaissance des lieux, la mise en lien, comme on feuillette une encyclopédie, un dictionnaire, créant des réseaux de connaissance, approfondissant tel lieu, qui finit par correspondre à tel autre topos, l’errance trouvant un espace conjoint où affleure parfois un carrefour, un endroit où débouchent des voies connues mais pourtant délocalisées, qui prennent place dans le puzzle, dans une carte cadastrale sans cesse mouvante, au gré des déplacements, des passages. La fréquentation en est physique, joue sur les hasards, sur le mode de la carte géographique (ou de la « carte mentale » que proposent certains logiciels de navigation, qui proposent une « géographie » du savoir au fur et à mesure qu’il se crée, où se lisent les branches, les connexions qui se font jour, les voies sans issue pour l’instant…), sur le mode de l’exploration historique, de la narration, de la digression, de la divagation.
« Comme les idées, les pierres se réemploient » (Jean Roudaut, Trois villes orientées, Gallimard « Le Chemin », 1967 – 45). On peut imaginer une errance où chaque lieu est un pivot réemployable à l’envi, propose sa propre géographie de l’ensemble, une sorte de nœud (comme on dit un nœud ferroviaire, ou comme on figure certaines stations sur une carte du métro, mais ou chaque nœud serait joint à d’autres nœuds, à l’infini des connections possibles). « les colonnes de porphyre rouge du gymnase d’Éphèse enlevées jadis par Aurélien au temple du Soleil à Héliopolis, poursuit Jean Roudaut, soutiendront Sainte-Sophie, en faisant un écrin pour un espace, délimitant un espace pour une apparition. » (et sans doute n’est-ce pas un hasard, s’il y a dans ce livre un vocation encyclopédique, avec de longues périodes lexicales et d’abruptes ruptures, liste et carnet de route). Chaque point, en étant réutilisé, propose une nouvel environnement, un nouveau mode d’apparition. La banale carte ne fixe en somme rien qu’une possibilité de repérage parmi d’autres : importe avant tout le lieu et son emploi.
Il existait en Chine des « encyclopédies locales » (Florence Bretelle-Establet, La santé en Chine du sud (1898-1928), CNRS éditions, 2002 - 7), sources de multiples informations sur un territoire donné, comme une tentative d’épuisement des connaissance possibles sur un lieu, compilant et sériant sous différentes rubriques jusqu’à des listes de lauréats des concours mandarinaux, le tout précédé par des cartes du lieu, la carte devenant sans doute finalement, l’une des entrées possibles sur le lieu, une manière de faire apparaître le lieu, un mode de connaissance dynamique, non pas figement de l’espace, mais invitation à l’exploration, point d’accès.
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